
Le Droit a appris qu’après huit mois de planification et de discussions, une contribution financière majeure de 1,2 million de dollars versée par la Fondation Jocelyne et Gilles Ouimet CMR 1967– un couple de la région qui souhaite redonner à la communauté – permettra à un projet de construction d’une résidence étudiante de 24 places de devenir réalité d’ici 2027. Il s’agit du même coup du plus important don unique jamais reçu dans l’histoire de l’établissement.
Qu’importe la taille, il s’agira d’une première en 58 ans d’histoire pour le Cégep, l’un des seuls à travers la province à ne pas être doté d’une telle offre de logements pour ses étudiants. Jusqu’ici, malgré des demandes ces dernières années, le ministère de l’Enseignement supérieur (MEES) a fermé la porte à l’octroi de financement pour un projet de plus grande envergure.
La Fondation du Cégep de l’Outaouais, qui agira comme maître d’œuvre du projet dont le coût total avoisine les quatre millions, a acquis à la fin de l’automne un terrain vacant situé à l’angle des rues des Oliviers et Joffre, dans le secteur Hull, à trois kilomètres du campus Gabrielle-Roy.
C’est l’organisme qui sera donneur d’ouvrage et propriétaire des lieux, tandis que la gestion du bâtiment et des services aux étudiants sera assumée par l’institution collégiale.
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«Si le Cégep de l’Outaouais avait souhaité acquérir un terrain, ça aurait pris des autorisations ministérielles très longues à obtenir, donc pour rendre le projet plus agile et plus simple, c’est la Fondation [du Cégep] qui l’a acquis, mais sera aussi responsable de la construction, avec notre collaboration, lance Steve Brabant, directeur général de l’établissement. On a trouvé une façon de faire qui nous facilitait beaucoup le travail.»

Le site acquis par la Fondation du Cégep de l’Outaouais et où seront érigées les résidences, au coin des rues Joffre et des Oliviers, à Gatineau. (Etienne Ranger/Le Droit )
Les résidences Ouimet, telles qu’elles ont été baptisées, seront dédiées spécifiquement aux étudiants provenant des MRC autres que Gatineau, dont la Vallée-de-la-Gatineau, un endroit qui tient à cœur le couple de mécènes puisqu’il a un pied-à-terre à Gracefield, d’où est native Mme Ouimet. Le but premier est de faciliter l’accessibilité aux études collégiales pour les jeunes des secteurs ruraux et de favoriser la persévérance scolaire.
Une vision commune
Pour le couple Ouimet, ce geste était tout naturel, disant croire que l’éducation est un vigoureux moteur de développement régional après avoir collaboré avec le Cégep une première fois l’an passé en remettant 100 000 $ pour un programme de bourses visant des jeunes de la Haute-Gatineau.
«Notre mission avec la fondation est d’essayer d’aider les jeunes au niveau de l’éducation, surtout dans le milieu de la Haute-Gatineau, qui en est un assez difficile. C’est un peu là qu’est tout le moteur de notre vision. Je pense que c’était une évolution naturelle que de considérer la possibilité [de contribuer à un projet de résidences]. Cela a été une bougie d’allumage.»
— Gilles Ouimet
Son épouse ajoute qu’elle voulait redonner au suivant, car ayant elle-même eu l’opportunité d’avoir un parcours collégial il y a quelques décennies, elle souhaite que «tous nos jeunes de la région puissent recevoir au moins un diplôme de fin d’études [au collégial]».
Alors que le territoire desservi par le Cégep de l’Outaouais s’étend sur plus de 30 000 kilomètres carrés – une superficie équivalente à celle de toute la Belgique, souligne à grands traits son directeur général –, plus de 500 étudiants du Cégep de l’Outaouais habitent à plus de 60 kilomètres de leur campus d’appartenance. Un facteur qui constitue un frein pour plusieurs.
«Ce qui est encore plus préoccupant, c’est qu’on a les taux d’accessibilité aux études collégiales les plus bas en province. On est à 30,7 % alors que la moyenne provinciale est de 63,7 %. C’est la moitié», de dire M. Brabant.
«Ce sont des jeunes qui, au lieu d’aller au collégial, vont soit oui au [diplôme d’études] professionnelles ou en entreprise, mais il y en a d’autres que leur projet de vie arrête là parce qu’ils n’ont pas les moyens, il y a des obstacles, tant d’éloignement que socio-économiques ou autres.»
— Steve Brabant, directeur général du Cégep
Dans la MRC de Pontiac, à titre d’exemple, le taux d’accessibilité aux études collégiales est d’à peine plus de 22 %, soit moins d’un jeune sur quatre.
«Sortir des sentiers battus»
Gilles Ouimet salue le fait que le Cégep a osé «sortir des sentiers battus sur le plan administratif» pour ce projet, parlant d’un travail de collaboration du début à la fin.
«Si tu essaies de faire ça d’une façon normale, il n’y a rien qui va arriver car il y a trop d’embûches, de délais, alors que l’habilité de travailler ensemble semble faire la job. Et de notre point de vue, c’est un grand honneur d’être capable de participer. Ça nous rend fiers», a-t-il lancé.

Steve Brabant, directeur général du Cégep de l’Outaouais, de même que Josée Tassé, directrice générale de la Fondation du Cégep de l’Outaouais, entourent le couple formé de Jocelyne et Gilles Ouimet. (Etienne Ranger/Le Droit )
Steve Brabant rappelle que l’ajout de résidences étudiantes est crucial pour la région compte tenu à la fois du très bas taux d’inoccupation des logements (autour de 0,3 % pour les logis abordables) et du loyer moyen qui est parmi les plus chers dans toute la province à Gatineau.
«Ça fait 58 ans qu’on les attend», s’exclame-t-il, rappelant que les étudiants sont «éparpillés de manière incroyable» sur le plan géographique.
Pour Jocelyne Ouimet, qui pense comme son conjoint «qu’on a le droit de rêver» et que Québec devra agir tôt ou tard, il est «absolument anormal» qu’une région comme l’Outaouais n’ait pas de résidences étudiantes au collégial.
«Il y a sûrement beaucoup de parents [dans les MRC] qui désirent que leurs enfants continuent leurs études, mais ils n’ont pas les moyens de payer un appartement. Justement, une dame m’a appelé cette semaine pour me dire qu’elle aimerait que sa fille continue mais qu’elle n’a pas les moyens de payer un loyer [à Gatineau], c’est impossible même si les deux parents travaillent. Ils n’ont pas des revenus exorbitants», relate-t-elle.
- Ouimet pense quant à lui que c’est en enlevant un obstacle à la fois qu’on finira par voir des progrès au chapitre de l’accessibilité.
«Si on peut permettre à une poignée de jeunes chaque année de continuer alors qu’ils n’auraient pas pu, ce sera mission accomplie», confie-t-il.

Le campus Gabrielle-Roy du Cégep de l’Outaouais, vu du haut des airs. (Patrick Woodbury/Archives Le Droit)
Le futur édifice devrait compter huit logements comprenant chacun trois chambres à coucher. L’objectif actuel est que le loyer mensuel soit sous la barre des 700 $.
Une firme d’architectes travaille sur le dossier en vue de lancer un appel d’offres d’ici quelques mois.
«On est ouvert à du préfabriqué, c’est dans l’ère en ce moment. On souhaite avoir la meilleure proposition adoptée aux besoins de nos jeunes, c’est pas juste une résidence, c’est un milieu de vie», soutient M. Brabant, qui précise qu’aucun stationnement n’y sera aménagé dans le but d’encourager le transport en commun – la passe Cam Puce sera fournie aux étudiants.
Montage financier
Pour l’instant, comme le montage financier du projet n’est pas complet – il avoisine 40 % de la somme totale –, des pourparlers se poursuivent avec d’autres partenaires, et des bonifications seront annoncées lors de mises à jour ultérieures. Les entrepreneurs qui souhaiteraient soutenir l’initiative peuvent y contribuer par le biais de dons, en nature ou en espèces. Le reste de la facture sera assumé à la fois par le Cégep et la Fondation selon des options qui restent à déterminer.
Certaines mesures gouvernementales renforceront la viabilité du projet, souligne le Cégep, dont la garantie au loyer, créée par le ministère de l’Enseignement supérieur et qui permet d’offrir des compensations pour un certain ratio (jusqu’à 15 %) de chambres vacantes dans une résidence étudiante.
Si tout se déroule comme anticipé, la livraison du bâtiment aura lieu en 2027.